Elsa Cha
" Échapper à la déréliction.
Elsa Cha fait épouser par ses dessins le rythme du vivant, de ce qui se meut et se transforme, à travers des “vestiges” qui sont toujours “le début de quelque chose”. Ils ramènent à la vie selon toute une symbolique où des formes féminines et masculines se marient.
Palpitations, déchirures, ouvertures prennent parfois l’aspect de visions fantasmagoriques.Le gris du dessin contient en des lunes oblongues une “ardore” implicite où le paysage figé du minéral est transfiguré par des appels à la vie. Des cercles appellent à diverses renaissances et suggèrent différentes formes d’amour. L’artiste, par des lieux d’esquisse, cultive une forme de préciosité agrémentée de certains précipices en de tels exercices d’enchantement.Telle un laveuse d’eau lustrale, elle refuse que celle-ci soit sujette à croupir.
L’existence ne peut donc ni s’envaser ni se retenir. Elle file et défile en déposant ça-et-là des éléments qu’il convient à la créatrice de dégager pour libérer le courant. Par des amandes, le monde s’ouvre et échappe à la déréliction. Elsa Cha y avance. »
Jean-Paul Gavard-Perret. 21 Mars 2022. Revue Le Littéraire
L’expérience du dessin est centrale, elle est unité, convergence au sommet, prise de possession de l’invisible, intuition fulgurante.
Il s’agit de voir, de regarder ce trait unique, traversé d’un flux de vision, ce trait éperdu, cet appel. Il faut se laisser faire et se laisser aller. L'incendie est splendide. Dans les couleurs qui brûlent c'est le théâtre du ciel, c'est la nuit, c'est une prière, une cérémonie, un orage, une précipitation, c'est une icône aussi et une présence. Écoute le ce cri et touche cette blessure. Elle est bleue, elle est mauve d'idées intempestives. Il y a l'abîme et il y a la souffrance et il y a ces esquisses ; le rythme des coups de crayons, leurs énigmes. Laisse-toi happer. Il n'y a qu'à voir.
MV. 12 Février 2022. À propos de la série Lunes
Notre masque de mort est-il plus vrai que notre visage vivant ? Le travestissement dit-il ce que nous sommes ou ne dit-il pas plutôt ce qui nous habite à côté de ce que nous sommes et qui pourtant est nous, aussi ? Le visage lui-même est une interface entre le visage intérieur façonné par notre propre histoire indicible, secret mortel parfois entraperçu, et le visage social, ethnique et culturel qui le fond dans des ensembles d’appartenances et de rejet. Et s’y ajoute le visage des "Imagines" qui s’élabore dans l’entre-visages.
La construction identitaire ne peut faire l’économie de la rencontre avec des représentations, qui issues du collectif, sont devenue nôtres, que nous nous sommes appropriés.
La question du rapport à l’autre sexe porté en soi, l’ambiguïté que les "imagines" figurent font que les images troubles troublent, qu’on ne sait plus si l’on rit ou si l’on crie.
Cela se cache parfois dans le tremblement du presque indéchiffrable. L’art d’Elsa Cha est à la suggestion, à l’approche de ce qu’on devine essentiel mais dont on ne perce pas le mystère.
Comme l’écrit André Breton en 1949 : « Le visage humain est sûrement la clé come tout le reste, mais cette clé à jamais se forgeant se maintient incandescente, plus que toute autre hors de notre portée. »
Cette portée qu’on pourrait dire musicale, Elsa Cha la porte aérienne et sensuelle à la fois, dans le syncrétisme de l’Homme Forte, dans l’émanation colorée du visage du mort qui s’échappe de sa bouche comme traditionnellement l’âme qui le fuit, dans cette colonne-arbre qui repose sur un « bassin » osseux et végétal. Emmanuel Lévinas écrit dans Ethique et Infini (1982) : "L’infini me vient à l’idée dans la signifiance du visage".
Jean-Pierre Klein
8 février 2018. À propos de ma série de dessins Les Imagines
La technique mixte a l’avantage de l’assemblage. Plusieurs mines de plomb, plusieurs pastels à l’huile, collés ensemble sur une feuille épaisse dont chacune des composantes quadrille l’armure d’un tissu à venir. Généralement cachées, essentiellement non finies, ces petites choses étroitement unies apparaissent ensemble ou à la volée, et nous rappellent que la querelle entre couleur et dessin n’est pas au cœur du « Vivre à propos ». Tout est en cours, brouillé, brut. Sans doute est-ce là que l’intime chez Elsa Cha se cartographie le mieux : quand tout s’enchevêtre à la manière d’un premier croquis, le plus vivant et le plus spontané, qui ne demande aucun devoir pour être formulé.
Mathieu Lelièvre, 15 Décembre 2015
Chroniques sur l’art d’aujourd’hui
Exposition collective Cartographies intimes. Le 116, espace Tignous. Montreuil
La démarche d'Elsa Cha est symbolique, presque animiste, en ce qu'elle débusque l'idée, sous le symbole. Les éléments de la nature, les objets ou les animaux sont personnifiés pour dire le sentiment de manière plus indirecte, subtile et subjective.
La lecture des œuvres est volontairement énigmatique: chaque œuvre fonctionne comme la partie d'un mystère à résoudre et donne quelques indices...
L'écriture à l'envers – innée avec les deux mains pour Elsa Cha - participe de cette énigme, où l'effort de l'œil est associé à une recherche volontaire du spectateur, pour aller vers plus de profondeur.
En couches successives et sensibles. Tous les éléments de l’exposition fonctionnant ensemble, Elsa Cha met à jour son univers par une sorte de parcours, invitant le spectateur dans sa promenade.
Par petites touches, son travail émeut et nous met sur la piste, sur un chemin où le promeneur est invité à se perdre....pour mieux retrouver sa propre histoire.
La thématique de la promenade elle même devient la métaphore du parcours que le spectateur est amené à faire pour comprendre une œuvre. En ramassant des fleurs tombées dans des cimetières, et en leur donnant une vie nouvelle, Elsa Cha invite à une « promenade physique et spirituelle »(Elsa Cha), ainsi qu'à un questionnement sur les objets, et la vie qu'on leur (re)donne.
Alliant le thème de la résurrection au caractère éphémère de toute chose, Elsa Cha travaille sur les contrastes et l'ambivalence des sentiments: la dualité entre la douleur et l'exaltation, l'ascension et la chute.
Marjory Duprès, 22 Février 2011
Dans mes bois étranges. Solo show
Galerie Claude Samuel
Avec Elsa Cha on attend les colombes, qu'elles viennent à tire d'ailes picorer, au sommet de ses noisetiers, les petites boules de nourriture qu'elle leur a préparées. Il faut que cela virevolte pour déclencher la "contemplation".
Les colombes, souvent dans ses dessins peints, Elsa Cha les reçoit, les apprivoise.
Elles apparaissent ici et là comme à l'envers du monde, au delà des miroirs.
Elles accompagnent des messages griffonnés depuis l'autre côté d'une écriture enfantine, comme blessée.
"Ma main a caressé l'oiseau pour qu'il chante encore pourtant le son est resté lointain lointain; c'était un oiseau rare que tu avais mis sur ta main".
Ainsi se conclut un poème d'Elsa où l'oiseau est devenu vulgaire et la fleur piquante et obscène.
Il semble qu'elle ne s'en remet pas. Il en résulte un mélange d'infinie douceur et de fureur qui ferait trembler le trait comme si Eurydice était prisonnière des enfers dans l'attente d'Orphée. Néanmoins elle communique en laissant parler le fleurs."
Ronan Le Grand. 2011
A propos de Contemplation 2. Œuvre présentée à « Rev’arts » 6ème biennale de Bezons
Claude et Elisabeth Samuel : un couple merveilleux que je retrouve, depuis plusieurs années, autant que mes propres grands-parents. Installés sous l'une des arches du Viaduc des Arts qui leur assure un volume impressionnant, ils entretiennent une programmation que je suis studieusement. Puis un jour, j'y découvre la production graphique de l'indomptable Elsa Cha et la galerie acquiert subitement un caractère autre. En plus de présenter des travaux assez classiques, mais aussi les clichés de Malick Sidibé, je sais maintenant que je ne suis pas à l'abri d'une heureuse surprise.
Joël Riff. Dans Yelp. 16 Mars 2010
Elsa Cha. You are.
Elle aime travailler sur toutes sortes de supports, répondre à différentes contraintes techniques. Elle a beaucoup customisé. Elle peint, utilise toutes sortes de médiums, elle dessine, elle écrit...
Le secret de cette jeune artiste, n'est ni la spontanéité, ni une attitude exagérément réfléchie, non plutôt une manière d' "être entièrement là" dans ce qu'elle fait au moment où elle le fait. Si jeune et si mature, on est admiratif. Le talent émerge, les oeuvres s'imposent. "Violence et douceur comme les métaphores de mon histoire." déclare Elsa Cha qui s'inquiète "qu’on puisse lire un peu de ce qui y est raconté" ne se tient jamais trop prêt de son sujet. Son intuition, lui dit que la poésie est le produit de cet écart.
" Chaque couleur, chaque matière choisies ne pourraient pas être une autre, j’écrivais sur mes toiles « c’est 6 et pas 3 ». J’utilise aussi beaucoup l’écriture miroir, les phrases étant issues d’une pensée automatique. J’ai depuis peu, commencé à utiliser des objets comme des fleurs en plastique, que je colle sur mes toiles ou dessin. J’essaie de lier les objets en 3D, le dessin et la peinture de façon à ce qu’ils se confondent. Les éléments interagissent entre eux et existent par les autres."
Pour sa première exposition individuelle, Elsa Cha présente à la galerie Claude Samuel, une série de dessins sur papier de grandes, moyennes et petites dimensions ainsi qu’un groupe d’oeuvres sur toile de grand format, dont certaines réunies en diptyque et triptyque sont posées à même le sol dans l’espace de la galerie .
Catherine Plassart
Art point France . Article du 11 mars 2009
Nature inquiète et sensible, Elsa Cha écrit et illustre des petits livres pour enfants, plein d'imagination de fantaisie et de fraicheur qu'elle édite à une vingtaine d’exemplaires, elle en crée et produit dix.
Sur de fines plaques de contreplaqué « support qui dit déjà des choses », précise t’elle, elle peint d’autre part, des loups, des fleurs, des oiseaux, des fragments de corps qu’elle juxtapose comme des rébus au milieu desquels errent des mots, des interjections, des photos, barbouillant tout cela de couleur, sortant de la surface du contreplaqué, glissant sur le mur, courant rejoindre d’autres conglomérats de dessins, de peintures, de photos et de mots. Elsa Cha parle d’elle-même, de sa vie, de ce qui l’enchante et de ce qui la meurtrit avec une liberté de ton impressionnante et une extrême pudeur.
Michel Nuridsany. 2007
Exposition Première vue / 6ème édition. Passage de Retz